Il n’avait jamais vu une chose pareille de sa vie. Le regard horrifié,
il apercevait à peine les pompiers et les flics qui fourmillaient sur
le lieu du sinistre. Les infirmiers avaient hâte de couvrir le corps.
Il est toujours de la plus haute priorité de couvrir les morceaux d’un
cadavre explosé et brûlé avant que les journalistes arrivent.
Il se sentait vide, épuisé et accablé. Il refusait de croire ce qui était
arrivé. Incapable de détourner son regard de l’endroit où se trouvait
normalement le siège du conducteur, il reçut les condoléances d’un de
ses meilleurs amis sans tourner la tête.
Il sentait monter une grande chaleur à l’intérieur de son corps. La haine
et la colère se mélangeaient au désespoir. Une haine indéterminée, contre
qui que ce soit qui avait commis ce meurtre. Une colère diffuse et instinctive,
qui l’empêchait de trouver une pensée claire. Soudainement, il eut envie
de clamer sa douleur de toutes ses forces. Mais sa bouche ne s’ouvrit
pas.
Il avait fait très beau toute la journée, maintenant des nuages sombres
se mettaient à couvrir le soleil. Il se sentait affreusement seul au milieu
de la foule de spectateurs, comme jamais auparavant, et il avait chaud
et froid en même temps, la chair de poule l’envahit.
Luc avait 25 ans. Il venait de rentrer du travail. Il était arrivé en
même temps que les pompiers alertés par les voisins. Les habitants de
toute la rue accoururent, les passants s’arrêtèrent. La presse à sensation
parisienne se rendit à la banlieue pour prendre des photos sur place.
Ils avaient trouvé une histoire qui contenait de l’action, une victime
et même une bonne dose de mystère, tout ce qu’il fallait pour coller une
grande photo à côté d’un gros titre à la une. Il semblait que tout Paris
avait entendu le grand éclat. Evidemment, personne ne voulait rater le
spectacle, bien qu’il n’y eût plus grand-chose à voir. Il ne restait que
la ruine du cabriolet de Christine, la fiancée de Luc.
Elle avait quitté la maison pour faire des courses à l’hypermarché, comme
d’habitude. Lorsqu’elle démarra le moteur de sa voiture, elle déclencha
l’explosion. Les verres se brisèrent en mille morceaux. Un rétroviseur
fut catapulté jusqu’à la maison la plus proche et cassa la petite fenêtre
des toilettes. Les flammes montèrent immédiatement jusqu’au ciel. Elle
était morte sur le coup. Il ne lui restait même plus le temps de pousser
un cri. L’éclat énorme réveilla tous les voisins, les pompiers arrivèrent
à peine trois minutes plus tard. Ils ne pouvaient qu’empêcher les flammes
d’atteindre les maisons. Christine avait garé sa Peugeot 205 au bout de
la rue, les places à côté étaient libres au moment de l’explosion.
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